mercredi 3 août 2011

Petite histoire des Manouches

 
  Juste une mise au point avant que de commencer la série d’articles sur le groupe manouche …

Les plus grands connaisseurs du groupe manouche sont sans contexte Patrick Williams et Alain Réygniers. Beaucoup d’articles ont été écrits sur les groupe manouches , notamment dans la revue des Etudes Tsiganes, si décriée parfois par Vania de Gila-Kochanowsky et ce pour des raisons qu’il ne m’appartient pas de commenter …
Les querelles de spécialistes, linguistes, ramnologues et autres tsiganologues  de salons où de terrain … Tout cela me laisse indifférent, mon objectif étant seulement de permettre à tous les tchavé d’avoir  lieu de ressources, de connaissances et de réappropriation de la culture.IL s’agit pas se dérober où de ne pas prendre parti …le mien est celui « des gens » : je ne cherche pas midi à quatorze heure …cela retarde d’autant l’heure sacrée de mon repas…
Je viens juste vous parler dans des langues et de langues que « je fréquente » depuis quelques temps déjà …Je les considère comme un héritage que je transmets aux générations futures qui sauront jamais aussi bien où elles vont que si elles entretiennent un rapport sain avec les lieux d’histoire et de cultures d’où elles viennent…  
  
Bon c’est pas l’tout les p’tits frères : les manouches nous attendent …

Les Manouches constituent l’un des principaux groupes tsiganes qui vivent en Europe occidentale. Ils sont très présents en France, en Allemagne, en Belgique, en Suisse, au Pays-Bas … Le mot « manouche » vient du sanscrit qui signifie  « homme ». Dans les pays germanophones, ils se désignent aussi comme Sinti où Sinte de par leur proximité avec le groupe Sinto du nord de L’Italie.

La langue manouche est un dérivé de la romani chib à laquelle  sont venus s’ajouter du vocabulaire et des tournures syntaxiques des pays traversés. C’est pour cette raison que l’on s’y perd un peu parfois … Le blog romani chib vous propose une base commune : à vous de l’enrichirpar vos commentaires, vos remarques  de mots qu’il nous faudra cependant vérifier ensemble afin de ne pas tomber dans le piège de l’argot…

L’histoire des manouches se fond dans celle du peuple tsigane. Les imprécisions et le manque de détails est très certainement le fait d’une légendaire discrétion, érigée en principe de survie dans des contextes historiques et politiques tourmentés susceptible de faire des groupes minoritaires, des boucs émissaires.

Monsieur  Alain Réygniers nous indique que les manouches sont nombreux aux  abords à l’ouest de l’Europe et notamment en Allemagne à la veille de la Révolution Française. Ce sont des mesures politiques  répressives qui vont conduire certaines familles à demander la protection du Roi de France Louis XVI  ( tant qu’ à faire !!!) et s’installer dans les Vosges du Nord… Ce serait le point de départ des pérégrinations sur le territoires français et au-delà …
Episode 2 :

Longtemps les déplacements des familles manouches se sont limités à  l’Alsace, la Lorraine et aux régions limitrophes.  La mobilité des groupes te variable de l’un à l’autre…Certains vont choisir de se fixer quand d’autres vont  se déplacer au-delà du territoire alsacien .Certains vont pousser vers le Sud ( jusqu’à Lyon où se trouvent également des familles Yéniches) où vers la Somme où encore le Hainaut belge où bien encore vers Paris … 

Comment sait-on tout cela ??? Les chercheurs s’appuient sur les actes d’Etat Civil : déclarations de naissances , de décès qui permettent de suivre les familles dans leurs déplacements. C’est ce qui nous permet de constater que certaines familles vont couper les ponts «  administratifs » et aussi les autres probablement, avec l’Alsace… Ces gens sont rares. Monsieur  Alain Réygniers évoque ainsi le cas de cette famille qui va se rendre dans un premier temps vers Paris puis vers Boulogne –sur- Mer    


Les dix années qui  clôturent le XIX ème siècle ainsi que celles qui précèdent la première guerre mondiale constituent une période de mouvement important pour nombre de familles qui vont sortir du territoire nationale pour aller vers l’Espagne voir même l’Argentine. Les familles qui ont rejoints l’Espagne vont y séjourner jusqu'à la Guerre Civile  qui éclate en 1936. Ils vont  garder des liens très forts avec ce pays.     


Paris occupe une place à part  pour les Manouches ( et pour les autres tsiganes …) qui voyagent en France. Les métiers forains , les arts du spectacle, les « petits métiers » d’antan   autorisent une vie familiale et communautaire en assurant des ressources modestes mais régulières … Si vous souhaitez plus de détails , je vous recommande le dossier « Manouches » des Etudes Tsiganes …Il est important  de signaler que parmi les familles qui stationnent sur Paris figurent des familles dont les noms d’origine germanique nous rappelle qu’elles sont originaires de  l’ouest de l’Europe . Ils sont protestants et recourent au service d’un pasteur originaire de la Hesse.

Evoquer l’histoire des Manouches nous conduit à porter notre regard sur la question de la mobilité et  du nomadisme en France à partir du XIXème siècle. C’est en effet la mobilité de ces familles qui va contribuer à construire les représentations  négatives sur les manouches et les tsiganes en général. Au-delà de l’identité ethnique des individus, c’est la mobilité qui apparaît problématique .

Les  personnes mobiles sont envisagées sur le mode des classes dangereuses qu’il convient de contrôler. Parmi elles, les  ouvriers qui parcourent la France en quête de travail et qui se mêlent aux autres catégories de «  sans aveu » et vagabonds qui inquiètent au plus haut point les autorités.

Le recensement de 1885 fait apparaître le chiffre de 400 000 errants en France. Ce premier dénombrement en appel d’autres qui vont concerner exclusivement les populations dîtes flottantes et mobiliser, comme en 1895, les gendarmes et l’ensemble des forces publiques disponibles.

Les ouvriers font déjà l’objet d’une forme de contrôle via le livret ouvrier instauré en 1803 , qui sera progressivement abandonné puis repris en 1844 sous Napoléon pour tomber ensuite en désuétude au fur et  à mesure où cette population errante se fixe dans les centres industriels.

La classe ouvrière naissante  fait l’objet d’une surveillance particulière. La lettre de patente dont les compagnons devaient être munis pour voyager à travers la France a fait place à ce livret ouvrier qui est  détenu et visé par l’employeur jusqu’au départ de l’ouvrier.

La crainte des autorités s’appuie sur la peur de voir se constituer « une communauté informelle » véritable « classe  à risque » que la mobilité éloigne des valeurs que la République naissante tend à imposer. Famille, relations sociales et professionnelles, inscription territoriale  via la propriété …le dogme républicain  prône la filiation et les vagabonds se présentent déjà comme des surnuméraires désaffiliés : c’est l’unité républicaine qui est menacée.

On va présenter le nomade comme un malade : « Les traînards » et autres « monomanes de la route » sont présentés comme « des rusés » qui font tout pour échapper au contrôle dans un mouvement perpétuel et suspect. Ils sont parfois présentés comme des animaux qui respecteraient un cycle naturel de mouvement …   Les milieux intellectuels et scientifiques s’en donnent à cœur joie et les procédés de monsieur Bertillon sont préconisés  pour mettre en fiche ces bras que l’on considère comme «  volontairement inutiles ». 
Cependant, la république est face à ses contradictions…Comment identifier par le papier des individus suspect sans avoir recours à des documents spécifiques  à  caractère qui vont à l’encontre du principe d’égalité prôné par la république ?

La consolidation de l’Etat- nation  va intervenir dans l’approche de cette mobilité problématique. Dans une république où la nationalité devient « le critère ultime  pour tracer la ligne entre soi et les autres ». La suspicion va se reporter sur le vagabond étranger.

Sous la pression de certains groupes parmi  lesquelles on trouve les organisations paysannes, le fichage des vagabonds étrangers responsables  de tous les maux et les déprédations. La France rurale pousse ses politiques à contrôler « le vagabond étranger » qui se situe, dans l’inconscient populaire entre le prussien ennemi héréditaire  qui menace les frontières et le romanichel qui vole les enfants et les poules  à l’occasion. La première évocation d’un carnet anthropométrique pour les nomades date de 1908.

Le gouvernement Clemenceau y voit le moyen de contrôler les «  roulottiers n’ayant ni domiciles fixes, ni résidence, ni patrie, la plupart des vagabonds à  caractère ethnique, romanichels, bohémiens, tsiganes »… Quatre ans plus tard, la loi du 16 juillet 1912 va obliger tous les nomades âgés d’au moins treize ans à se munir d’un carnet anthropométrique visant à obliger «  les nomades à se fixer et à abandonner la vie errante pour devenir des citoyens normaux ». 


                 
Les manouches sont certainement parmi tous les autres groupes, ceux qui ont cherché à maintenir le mode de vie nomade au travers des activités économiques, des rites familiaux ... Ainsi, cela permet de porter un regard sur  certains aspects de la société française et la façon dont elle évolue économiquement, socialement, politiquement ... Le voyage n'est pas l'errance ... Il s'inscrit dans un ensemble de logiques, de contraintes, de perception du contexte... On voyage pour travailler , pour se rencontrer, pour se reconnaître et ainsi pouvoir se maintenir son identité d'homme dans le groupe, de groupes par les hommes qui le constitue...A ce titre, les métiers forains seront privilégiés : tu transportes ton "métier" avec toi ... Un savoir faire forain est la garantie d'une liberté d'aller et venir en s'émancipant, autant que faire se peut des contraintes économiques, des lois de l'offre et de la demande  qui , aux prémices  de cette révolution que l'on dit " industrielle" commence à régler la marche du monde ... Cette liberté qui s'attache à la mobilité est bien entendu  et on l'a déjà souligné , problématique pour les tenants d'un pouvoir politique qui est aux mains  des possédants... L'homme qui circule fait également circuler des idées, des approches, des visions autres que les vues dominantes ...L'oeuvre de Zola nous renseigne sur ces hommes qui en  voyageant , modifient le destin des lieux qu'ils traversent ...Les  graines de la révolte trouvent dans  les sillons que creusent les nomades, ouvriers , les bateleurs, des terreaux bien  fertiles ... 




 Etudes tsiganes « Manouches » N° 26 page 13.






 Pour toutes les questions liées à la mobilité , je vous renvoie aux travaux de Pierre Piazza . 

2 commentaires:

  1. Je viens de découvrir ton blog, génial !
    Merci de partager tout ça et de le me mettre à notre portée. Désormais en lien site-ami chez la petite jardinière...

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  2. Can anyone translate this into English? the google translate is horrible.

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